Ma première traversée du Golfe de Gascogne sur MON bateau
- Le 18/10/2015
- Dans Les billets de Cath
Voilà, c'est fait : j'ai traversé le Golfe de Gascogne sur MON bateau ! Je l'avais fait il y a 10 ans en été sur un "BDA" (bateau des autres) et j'avais vomi la première nuit... rebelotte cette fois-ci, c'est la deuxième fois que j'ai vraiment le mal de mer.
J'appréhendais cette traversée en automne car le Golfe de Gascogne est un endroit dangereux, avec beaucoup de houle et souvent des vents violents. Peur d'avoir peur. Peur de ne pas maîtriser le bateau dans des conditions difficiles. Thierry était plus confiant, fort de son expérience d'un Bénodet-Cadix Aller er retour l'an dernier. Il a apprivoisé le bateau même s'il a encore des difficultés à trouver le bon équilibre des voiles qui assure une route sereine et permet au pilote automatique de bien fonctionner. Aussi il a pris, lors de sa première navigation seul à bord, des claques à 45 noeuds avant d'arriver s'échouer dans le port de St Gilles Croix de Vie... Pas d'autre solution pour moi que de me lancer, même la peur au ventre : il faut assumer ses choix ! Durant les jours de préparation du bateau et d'attente d'une bonne fenêtre météo à Bénodet, l'anxiété est montée, puis la météo étant bonne j'ai été moins stressée.
Le départ s'est super bien passé : belle journée ensoleillée, petit vent mais houle un peu agressive. Nous traçons au grand largue à 5-6 noeuds et, si ce n'était le mal de mer qui menace, la journée aurait été vraiment agréable. A la nuit, des lucioles et des dauphins sont venus nous éblouÏr. J'ai fini par trouver le sommeil grâce à mes boules Quiès car les bruits innonbrables du bateau, ajoutés au remue ménage incessant dû aux vagues, rendaient le repos difficile, l'oreille aux aguets. Thierry met le moteur et change de cap : a-t-il besoin d'aide ? Je suis si bien au chaud... puis je remarque une odeur de plastique brûlé qui me réveille totalement. Je me lève et vois de la fumée dans le carré : il y a le feu à bord ! En un instant j'imagine le pire... Thierry a coupé le pilote et ne peut lâcher la barre avec cette houle... il me dit d'enfiler ma veste et mon gilet avant de monter le relayer à la barre. Son calme me rassure un peu. Il descend et cherche... Nous réveillons Youenn qui dort dans la cabine avant. Thierry coupe l'électricité et trouve bien vite le court-circuit, il arrache les fils incandescents et, ouf, c'est fini... sauf qu'on est dans le noir et sans pilote... la panique m'empêche de réfléchir pour manoeuvrer la barre sans instruments et je ne parviens pas à contrôler la trajectoire du bateau. Youenn, très calme et visiblement en totale confiance en son père, me reprend. Encore quelques minutes et Thierry parvient à remettre l'électricité : tout fonctionne, miracle !!! On remet le pilote et nous reprenons notre calme. Thierry tousse beaucoup, intoxiqué par les vapeurs toxiques mais il n'a pas les lèvres bleues, alors ce n'est pas trop grave. Je redescends me coucher, épuisée par tant d'émotions.
Au matin la journée est agréable, comme la veille. Hormis la houle qui secoue le bateau dans tous les sens, tout va bien. Dans le bateau c'est un capharnaüm terrible car plein de choses ont volé, mais pas de casse. Je reprends confiance quand, soudain, le pilote décroche. Thierry et moi tentons de remettre le bateau dans l'axe mais nous empannons et la bôme plie. Cette nuit, dans la panique, nous n'avons pas bordé les deux écoutes de la GV, ce qui empêche l'empannage... Le manque de maîtrise des voiles m'angoisse. Mais nous pouvons poursuivre avec le génois, ce n'est pas très grave. Jusqu'à l'arrivée en vue de la côte les conditions météo restent inchangées et je reprends à nouveau confiance, le stress s'estompe. Nous amarrons le bateau à 6 heures du matin à La Corogne : OUF, c'est fini, nous sommes arrivés ! Quel bonheur de retrouver un lit qui ne bouge pas (même s'il est trempé) et une douche chaude.
Nous restons deux semaines à La Corogne. Nous y rencontrons des marins qui ont vécu de bonnes galères en traversant le Golfe. Mes appréhensions ne sont pas seulement le fruit de mon imagination... Quand certains nous disent que tout va très bien et n'ont aucune galère ou anecdote à raconter je suis sceptique... Ici j'ai noué une amitié avec Pascale qui a un peu la même approche de la vie en bateau que moi. Elle aussi angoisse... même plus que moi ! Elle a moins d'expérience que moi mais part pour les Antilles. Ca m'a fait du bien de pouvoir en parler et partager cela avec une autre femme. Merci à Pascale pour son soutien !
Ici Thierry fait figure de vieux loup de mer. Il donne des conseils et des coups de main. Mais il profite aussi de chaque conseil qu'il peut glâner auprès de marins expérimentés. Un skipper anglais (Cliff) qui travaille sur une goélette de 25 mètres nous donne de précieuses indications pour gérer nos voiles. Je me dits que j'ai bien choisi "mon" capitaine !
Visiblement en matière de météo il assure bien car ses prévisions s'avèrent justes. Tous les marins du port prévoient de partir le même jour... mais ce jour est sans cesse repoussé car les prévisions évoluent toujours défavorablement. Je me demande quand nous allons pouvoir sortir de là !