Navigation vers Aruba

Préparatifs

 Juste avant le départ Thierry achète la version payante de TimeZero, notre logiciel de navigation sur tablette. Il découvre avec bonheur plein de nouvelles fonctionnalités. La météo est très précise et nous indique les zones de pluie avec exactitude et surtout les . courants marins. Le tout est téléchargé et apparaît sur la carte en mode hors ligne. Pour le routage c'est vraiment génial !

Nous avons fait le plein de gasoil et d'eau douce, donc parés pour plusieurs jours de mer.

Nous ne faisons pas de papiers de sortie car nous avons déjà un despacho de sortie de Luperon qui date de notre départ vers les Bahamas ! 

1,5j pour contourner la RD

Départ samedi 27 mai à 17h30. C'est parti pour 520 milles. Vent dans le nez 15 noeuds, petite houle courte et marée montante : au moteur à 2300 tours on plafonne à 3 noeuds !
Nous sortons de la baie de Samana vers minuit et entamons la descente le long de la côte orientée nord-est. Le vent est censé virer sud et nous permettre de naviguer au près... mais non. Nous poursuivons au moteur avec un vent de 14 noeuds dans le nez. La nuit passe lentement, puis la matinée du dimanche... Le Cabo Engano, pointe Est de l'île,  se rapproche à une lenteur désespérante... Arrivés à sa hauteur en fin d'après-midi (soit 24h de nav.), nous poursuivons sur le même cap pour nous éloigner de la côte d'une trentaine de milles. Ensuite nous pourrons prendre le cap vers Aruba à la voile... au près malheureusement, mais c'est mieux que le moteur ! Nous aurons alors environ 400 mn à faire soit 4 à 5 jours avec un vent annoncé ESE.
Pas de chance, dès que nous prenons le cap au SE le vent passe au sud et forcit de sorte que nous nous traînons toujours au moteur à deux noeuds. Thierry surveille une grosse masse de nuages très noirs tandis que je me fais un peu malmener en préparant le repas du soir. La fin de la zone nuageuse nous rejoint et nous apporte un peu de pluie. Et, juste après, le miracle se produit enfin : le vent tourne à l'est ! Thierry hisse les voiles et nous coupons enfin le moteur un peu avant 21h. Avec moins de 10 noeuds de vent ce n'est pas violent mais nous avançons toujours à deux noeuds, cette fois sans dépenser de gasoil et avec le doux bruit du vent dans les voiles. Mais le bonheur est de courte durée. Vers 23h nous nous retrouvons dans une grande zone orageuse : pluies torrentielles et vent quasi nul qui tourne dans tous les sens. Heureusement ni éclairs ni tonnerre. Le bateau tourne sur lui-même. Pas d'autre solution que de mettre le moteur. Une fois les nuages de pluie passés, le vent se rétablit à l'est aux environs de 8-10 noeuds : juste de quoi avancer à 2 noeuds car nous avons un fort courant à contre. Le scénario se reproduit toute la nuit et au matin du lundi. Petit à petit nous parvenons au matin à sortir enfin du canal de la Mona (entre  la République Dominicaine et Porto Rico).

3,5 j pour traverser la mer Caraïbe

 Lundi après-midi, après un dernier épisode de pluie, le vent s'établit d'est à 15-18 noeuds ! Thierry prend même deux ris car le bateau gîte trop. Nous filons à six noeuds. Mais le soufflé retombe bientôt et le vent s'établit à 8-10 noeuds... notre vitesse tombe à 3 noeuds car une houle d'un mètre nous freine à chaque vague. Le ciel reste bien gris jusqu'en fin d'après-midi du lundi.

Le lundi soir (après 2 fois 24h), une fois le soleil couché le vent passe la barre fatidique des 10 noeuds et la mer se calme un peu : nous revenons à une vitesse plus acceptable de 4 noeuds. Le ciel est dégagé,  une belle demie lune éclaire la nuit qui s'annonce plus tranquille que la précédente.
Les conditions météo de la nuit perdurent le lendemain (mardi). Nous reprenons un rythme  normal bien agréable sous voile en alternant du prèset du bon plein. Vers midi nous réalisons que nous suivons une mauvaise route. En préparant la navigation Thierry a tracé trois routes différentes qui se sont croisées au petit matin. Nous remarquons enfin que nous suivons une route qui nous amène à la pointe NO d'Aruba, de sorte que nous n'avons aucune marge de manoeuvre si nous partons trop à l'ouest ! La bonne route est à 6 ou 7 milles plus à l'est et nous dirige sur la pointe SE d'Aruba. Nous décidons alors de rejoindre la bonne route au moteur car contre le vent. Nous voilà repartis pour deux bonnes heures de moteur ! Une fois notre route retrouvée, nous pouvons hisser à nouveau les voiles et poursuivons tranquillement avec un vent de 10-14 kn qui oscille entre E et SE . Nous passons donc régulièrement du près au vent de travers. A cette allure il nous faut encore au minimum deux jours...

Au soir du mardi 30 mai, soit après trois jours de mer, le vent s'établit enfin d'est et le bateau avance bien au bon plein. La mer est calme. Pourvu que ça dure ! C'est tellement agréable pour mon quart du soir de cette 4e nuit que je laisse dormir Thierry jusque une heure du matin. Pour Thierry les conditions météo changent peu à peu. Le vent forcit et au petit jour (le mercredi) nous filons à plus de six noeuds. Les conditions se durcissent, le vent vire à nouveau SE et monte jusqu'à 25 kn. La mer se creuse et les vagues secouent le bateau. Le ciel est tout gris et nous ne revoyons le soleil que dans l'après-midi. Nous avons une nouvelle fois du mal à garder le cap. Nous passons au près très très serré pour reprendre du cap. C'est fatigant, le bateau gîte beaucoup,  quelques vagues viennent nous asperger. L'une d'elle s'engouffre dans le carré qui est bien inondé. Je renonce à cuisiner dans ces conditions. A 17h le mercredi (soit 4 fois 24h) il nous reste 100 milles pour l'approche de la pointe SE d'Aruba : nous devrions y être le lendemain soir.


La 5e nuit s'annonce agitée... Au début de mon quart les choses se passent bien mais ça se gâte vite. Le vent tourne SE et forcit à 20 kn. Thierry préfère reprendre les commandes et m'envoie me coucher. La nuit est éprouvante avec des claques à 30-35 noeuds et une grosse houle. Des paquets de mer s'abattent sur le pauvre Thierry emmitouflé dans sa veste de quart. Comme le vent change de force et de direction à plusieurs reprises, il se bat avec les voiles pour maintenir le cap voulu. Malgré tout son savoir-faire il n'y parvient pas facilement, voire au final pas du tout lorsque le vent passe vraiment SE. A l'interieur les vagues qui viennent se briser sur la coque font un bruit infernal. Tout ce qui n'a pas été arrimé correctement finit par voler : le tiroir de la table de charge, des instruments divers de la table à carte, etc. La barre de protection de la bibliothèque cède et tous les bouquins se déversent sur moi qui dort sur la banquette juste au-dessous. De l'eau rentre dans le carré par les hublots mal fermés (l'usure du temps...), par la baye de mouillage, par les aérateurs... et carrément par la porte quand, à deux reprises, une vague plus coquine que les autres vient claquer sur le pont, s'infiltre sous la capote et déverse un bon gros seau d'eau dans le carré. Comme on avait renversé du gasoil, le parquet devient une patinoire. Bref, au matin c'est la Berezina dans le bateau ! De son côté Thierry a sauvé in extremis de la noyade une ancre de secours de 20 kg arrimée au balcon qui s'apprêtait à plonger. Au lever du jour le jeudi je sors relever Thierry, les conditions s'étant radoucies. Nous constatons que le cap vers la pointe SE ne peut pas être maintenu. Nous envisageons un plan B en allant vers la pointe NO... mais même ce cap plus à l'ouest ne s'avère pas tenable. Nous sommes à 50 milles d'Aruba et si le vent s'obstine à venir du SE... nous allons rater l'île ! Finalement nous décidons de mettre le moteur car la mer est un peu plus calme. Avec un ris dans la GV et la trinquette nous pouvons reprendre le cap vers la pointe SE. Allez, encore quelques heures de moteur ! Thierry, après sa nuit sans sommeil, a encore le courage d'aller éponger le parquet du carré et ramasser ce qui jonche le sol. Le bateau redevient vivable. A midi le vent a suffisamment viré Est pour que nous puissions reprendre la route à la voile, mais Thierry dort après une longue nuit blanche... A son réveil nous déroulons le génois et Thierry règle les voiles : nous poursuivons à la voile à 6 noeuds au vent de travers. La mer est calmée, le ciel est bleu, et c'est du pur bonheur ! A 16h nous voyons au loin la côte d'Aruba que nous allons aborder par le cap SO. Le vent tourne franchement à l'est et nous finissons le parcours au grand largue, tout shuss avec des pointes en surf sur les vagues à plus de 8 noeuds (record à 8,7 kn)... après ces journées à lutter contre le vent, les vagues et les courants c'est inespéré, et une belle consolation !
Le téléphone bipe et nous avertit qu'on capte du réseau : un petit sms est vite envoyé aux enfants.
Nous arrivons au cap le jeudi 1er juin vers 18h30 au coucher du soleil. Thierry "merde" un peu en rentrant les voiles : il a oublié qu'une grand-voile se descend bout en vent et non pas vent arrière ! Heureusement qu'on a de la marge... Nous pensions aller mouiller devant la première plage mais y renonçons car elle nous semble mal abritée. Nous décidons d'aller directement au quai des douanes. Thierry vérifie le guindeau : les commandes sont inopérantes. L'arrivée au quai du port avec le vent et la fatigue est un moment délicat. Thierry rate le virage et le bateau heurte le quai : ça tape sur l'ancre qui résiste bien. Après plusieurs tentatives d'accostage ratées deux douaniers se décident à venir nous donner un coup de main. Je rate à plusieurs reprises le lancer d'amarre (toujours aussi douée !...). Une fois enfin amarrés à quai les douaniers nous envoient faire immédiatement les papiers. J'aurais préféré aller dormir... Un vigile fait de l'excès de zèle et d'autorité et insiste pour qu'on quitte le quai une fois les papiers en main ! Trop dangereux : Thierry refuse catégoriquement de bouger avant demain matin. Les formalités se passent bien mais je dors debout. Nous restons au quai pour la nuit. Thierry trouve le courage de se doucher mais moi je m'écroule dès notre retour à bord pour une bonne nuit de sommeil ! Tant pis si les draps sont poisseux, je retrouve avec plaisir la cabine arrière après ces nuits passées sur la couchette du carré qu'on se partage en alternance avec Thierry. 

Bilan de cette traversée

 Nous avons parcouru ces 520 milles en 5 jours ce qui est très correct avec un vent et des courants souvent défavorables. Excepté cette 5e nuit un peu chahutée, les conditions se sont avérées plutôt tranquilles. Bien sûr naviguer au près et surtout au moteur n'est pas ce qu'il y a de plus agréable mais dans l'ensemble cette navigation retour s'est bien passée. 

Fin des navigations de la saison 8 !!!

Premières heures à Aruba

 Thierry est toujours sous pression et dors peu malgré sa fatigue. Lorsque je me lève il a déjà rangé le bateau ! Trop gentil. Nous prenons notre premier petit-déjeuner et quittons le quai du port pour un mouillage devant la marina, réussi du premier coup. Mon premier "travail", avant d'attaquer la remise au propre du bateau, est de me laver dans ma grande baignoire à température idéale. Si vous ne savez pas à quoi ressemble le bonheur, essayez ça après six jours de mer ! 

Photos

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C'est où ?

Date de dernière mise à jour : 06/06/2023