Côte nord vers Luperon
Départ de Santa Barbara
Le 22 mars nous quittons la baie de Samana pour rejoindre Luperon à l'ouest de la côte nord. Luperon est la seule halte vraiment protégée de la côte. Quelques baies en chemin offrent en théorie une protection des vents d'est car protégées par des caps montagneux orientés Nord-Est. Mais sont-elles protégées de la houle du large ? Nous prévoyons donc d'y faire escale car la météo est plutôt favorable avec des vents d'est et une houle modérés.
Las Galeras
Nous contournons la Punta balandra et retraversons le champ des baleines (ne pas confondre avec le chant des baleines...). La chance n'est toujours pas avec nous et nous nous contentons d'apercevoir à bonne distance une ou deux baleines venir respirer en surface.
La baie de Las Galeras est juste derrière le cap. C'est une baie très large et profonde. Des hauts fonds nous empêchent de nous approcher du bourg. La baie est une suite d'immenses plages de sable bordées de cocotiers et nichées au creux de montagnes très verdoyantes. C'est un des innombrables parc naturels du pays et en dehors du bourg seules quelques belles villas ou petits hôtels se cachent dans la verdure.
Nous mouillons devant une petite plage et sommes contents de retrouver des eaux bleues, bien que peu transparentes. Malheureusement la houle et le vent ne sont pas dans la même direction, de sorte que les vagues nous prennent par le travers et le bateau roule énormément. C'est très inconfortable et la nuit est agitée !
Au matin nous levons l'ancre et longeons le fond de la baie à la recherche d'un endroit plus protégé, mais en vain. Nous sortons de la baie dans l'espoir que la suivante sera mieux protégée.
Puerto El Valle
Nous longeons le cap Cabron qui sépare Las Galeras de El Valle. Le paysage est grandiose ! L'extrémité de ce massif montagneux est imposant avec ses falaises abruptes.
Nous arrivons dans l'après-midi dans la baie de El Valle dans le creux des montagnes. L'endroit est inhabité, aucune maison à perte de vue... et non desservi par les antennes Télécom ! C'est une petite baie avec une très belle plage où attendent quelques barques. Nous voulons aller au bout de la plage, côté est, en espérant être mieux protégés de la houle. Quatre voiliers canadiens sont déjà ancrés là et nous devons aller mouiller très près du bord rocheux. Pas de soucis, l'ancre tient bien et le bateau ne bouge pas. Une petite houle nous prend de face, ce qui fait tanguer un peu le bateau.
Thierry trouve cet endroit très beau et envisage d'y rester un peu. Il descend l'annexe... mauvaise idée ! Durant la nuit, l'annexe, enchaînée et cadenassée sur la plage arrière, cogne sans fin dans un bruit infernal. Thierry installe des parebattages mais sa protection ne tient pas et, toutes les heures, il se relève pour les réinstaller comme il faut. Finalement il décide d'amarrer l'arrière sur le côté pour que l'annexe n'aille plus cogner contre la plage arrière. Un peu de répit et la corde d'un parebattage casse... l'annexe cogne maintenant contre la coque ! Thierry se lève une nouvelle fois et amarre l'annexe à couple du bateau. Il va enfin finir sa nuit tranquille !
Au matin le vent a viré au nord (la météo annonçait des vents d'est...) et s'établit à quinze noeuds. Une houle puissante envahit la baie sans entrave et vient s'écraser bruyamment en belles gerbes d'écume sur les rochers proches de nous ou déferler en beaux rouleaux sur la plage ! Le bateau tangue et roule sans cesse. Nous avons l'impression d'être passés en mode essorage...
Dormir dans un bateau qui gigote dans tous les sens nécessite un peu de tactique. L'idée est de faire corps au maximum avec le matelas en augmentant la surface de contact : une feuille de papier est plus stable qu'un cube ! Le plus efficace est de se mettre sur le dos et d'écarter les bras et les jambes... mais à deux dans le lit de 140 ça risque vite de virer à la guerre des positions ! Pour ma part, dormir sur le dos m'est impossible car ça me fait très mal au dos. Reste la position à plat ventre avec les membres le plus écartés possible sans gêner le voisin. Malgré tout le corps est en perpétuelle tension pour éviter de rouler et frotter sur le matelas. Pas top pour un bon sommeil et au matin les muscles sont endoloris et la peau agressée par les frottements. Il faut être un peu maso...
Nous décidons cette fois de rejoindre Luperon sans autre escale incertaine, Puerto El Valle étant l'endroit le mieux abrité... Comme il nous faut plus de 24 heures de navigation nous décidons de partir de bonne heure le lendemain matin.
Nous passons la journée à bord à admirer la plage de loin. Avec cette houle il nous est impossible d'aller "beacher". Quelle frustration ! Nous nous contentons d'admirer les vagues et les montagnes alentour. Pas de baignade non plus. Et pas d'internet. Je souffre d'un léger mal de mer qui m'interdit aussi la lecture. Nous voilà réduits à nous confronter à nos pensées...
Le plus délicat est de remonter l'annexe sous le portique. Avec cette houle l'opération est vraiment sportive ! Le bateau est alors prêt à partir à tout moment en cas de nécessité...
Navigation vers Luperon
Après une troisième nuit secoués par la houle, bien fatigués, nous levons l'ancre pour Luperon à 130 milles de là. La manoeuvre est un peu délicate dans la houle et si près des rochers, mais tout se passe bien et nous quittons cette marmite !
Au départ le vent d'est est très léger et nous avançons doucement à trois noeuds. La houle au large est bien ronde et malgré ses un ou deux mètres la navigation au grand largue reste très confortable. Nous tirons un peu au large pour éviter d'être vent arrière, allure instable et peu confortable. Thierry sort le génois et la grand-voile d'avant. Ça nous repose agréablement ! Dans la journée le vent atteint 10-12 noeuds et la houle nous pousse. Le bateau file à 5-6 noeuds sous un ciel sans nuages. Que du bonheur après ces mouillages infernaux ! La nuit est calme, Thierry remplace le génois par la trinquette et s'endort comme un bébé tandis que je prends le premier quart. Un petit croissant de lune fait une brève sortie et se recouche bien vite. Je reste seule dans la nuit étoilée. Après ces nuits difficiles j'ai du mal à tenir plus tard que minuit. Je m'endors bien vite moi aussi pour quelques heures avant de reprendre le quart à 4h30. Chacun essaye de récupérer un peu de sommeil. Après le lever de soleil je replonge dans ma couchette. Thierry change d'amure pour rejoindre la côte à une quinzaine de milles maintenant.
A l'approche du ria de Luperon nous remarquons une belle goélette qui longe la côte de près. Ses voiles battent au vent et le bateau prend un nouveau cap vers le large, sans avoir modifié ses voiles qui fasseyent... bizarre... le bateau semble sans pilote ! Endormi !? Philippe nous appelle car il voit sur MarineTraffic que nous approchons de Luperon. Il voit aussi ce bateau livré aux caprices du vent et nous indique son nom. Plusieurs appels à la VHF restent sans réponse... Philippe décide d'avertir les autorités compétentes. Le bateau a eu de la chance de ne pas aller s'échouer sur les rochers !
Il faut s'approcher très près pour voir enfin l'entrée du ria de Luperon. Nos narines sont assaillies de senteurs de maquis. La côte est montagneuse mais sa végétation est moins luxuriante. Quelle variété de paysages sur cette île !
Mouillage dans la baie de Luperon
Le ria est en forme de Y. Le chenal d'accès est bien balisé. La partie gauche a très peu de fond et c'est la branche de droite qui accueille les bateaux. Luperon est le trou à cyclone le plus protégé de l'île et même des îles alentour. Nous mouillons ce samedi 25 mars un peu avant midi parmi les voiliers par quatre mètres de fonds... et comme d'habitude le vent se lève juste à ce moment là ! Nous nous y reprenons à deux fois.
Quel bonheur de retrouver un plan d'eau sans houle !
La journée du dimanche se passe à dormir au calme. J'ai un gros gros coup de fatigue, plus de jus, accus à plat ! Je réalise que je n'ai pas mangé grand'chose depuis notre départ de Samana à cause de mon léger mal de mer. Grave erreur, en bateau le sommeil et l'alimentation sont primordiaux ! Thierry assure la grosse vaisselle laissée durant la navigation pour me permettre de plonger dans les bras de Morphée. Au matin il fait une montagne de crêpes et, record absolu, j'en dévore cinq pour mon petit déjeuner avec l'excellent miel artisanal acheté au marché de Samana. Ça me requinque, mais il me faut encore un peu de temps pour récupérer de cette fatigue... eh oui, je n'ai plus vingt ans...
Comme partout le vent souffle fort dans la journée, les nuits restant si calmes que le mouillage est un vrai lac sans une ride. De quoi dormir en paix.
Despacho vite expédié
Le lundi matin un officiel de l'armada vient nous voir au bateau. Il monte à bord, tout souriant, et exploite ses quelques mots de français pour nous saluer. Son aide monte à bord lui aussi et s'affale sur le pont arrière, visiblement fatigué de son week-end... En un rien de temps nos papiers sont contrôlés ! Le gars nous dit s'appeler Richard et nous donne son numéro Watsapp afin qu'on le prévienne de notre départ. Nous lui expliquons que nous allons passer deux ou trois semaines sur les îles Turques puis que nous reviendrons à Samana. Il nous dit alors que nous ne ferons pas de papiers là-bas et que c'est donc inutile de faire une clearance de sortie... Après les tracasseries rencontrées aux autres armada son attitude nous surprend agréablement !
En repartant il demande à Thierry de poser sur la photo qu'il prend de notre bateau tout en chantant "Lambarena"... Voilà des formalités très sympathiques. Ah, si c'était comme cela partout comme la vie serait simple et agréable !
Date de dernière mise à jour : 16/04/2023
Commentaires
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- 1. Le Moine Marie Le 23/04/2023
Qu'est devenue la goélette à l'approche du ria de Luperon ? Le suspens est à son comble.
On pense bien à vous
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