Remontée du Golfe de Gascogne

Un départ difficile

Après avoir fait des sauts de puce sur la côte de la Galice (Voir page : Galère en galice), nous attendons à La Corogne une fenêtre météo favorable de 4-5 jours pour faire les 370 milles de traversée du Golfe de Gascogne. L’attente est de courte durée : dès le 29 avril nous prenons la mer, cap 30° pour Bénodet. Notre équipier Nicolas est toujours avec nous.

En prévision de cette traversée qui risque d’être frisquette, nous installons un rideau pour fermer l’entrée du cockpit : une nappe transparente pliée en 4, agrafée puis scotchée au capot s’avère très pratique et protège le carré du froid.

fermeture cockpît

Alors que la météo annonce des vents de 50° à 15 nœuds, nous quittons au matin la baie de Corona avec 20 nœuds de vent du Nord, toutes voiles dehors avec 2 ris. La journée s’avère difficile avec des vagues et toujours des courants : nous louvoyons au près serré avec le moteur en soutien et nous atteignons péniblement 2 nœuds ! Le vent mollit dans l’après-midi et tourne 360° ce qui nous permet de faire un cap 40° plus conforme à notre route idéale. Le premier quart de Nicolas jusque minuit est calme. A peine Thierry de veille, le vent forcit et s’établit à près de 30 nœuds : il réduit la voilure mais ça reste sportif. Heureusement cela ne dure pas longtemps et lorsque je prends mon quart à 5 heures le vent est retombé à 15 nœuds. Au lever du jour je constate, dépitée, que je vois toujours la côte espagnole ! Une journée et surtout une nuit de navigation fatigantes et peu de progression… De l’eau a envahi les cales de la cuisine et s’infiltre encore dans la cabine avant ! Une déferlante s’est écrasée sur le pont dans la nuit et de l’eau a pénétré dans le carré. Bref, au matin le moral des troupes est au plus bas… Heureusement la journée est ensoleillée avec un petit vent du nord, aussi la mer se calme et la navigation est plus paisible. Chacun peut dormir dans la journée pour récupérer ses forces. En fin d’après-midi la côte a enfin disparue et on aperçoit quelques dauphins qui achèvent de nous remonter le moral.

Enfin du calme !

La nuit suivante est très tranquille avec très très peu de vent et une mer plus calme : tout l’équipage dort convenablement, en dehors des quarts bien sûr.

Au matin du 3ème jour, après 48 heures de mer nous avons parcouru 165 milles, soit la moitié du voyage. Le vent fait défaut : nous sommes au centre d’un anticyclone et attendons de savoir ce que le vent va décider de faire. Thierry profite de ce calme pour réparer le déclencheur de la pompe de cale. Sans moteur nous dérivons durant une heure. Ensuite le vent vire timidement Ouest et des nuages envahissent le ciel. Dans l’après-midi le vent s’établit enfin Ouest-Sud-Ouest mais seulement à 6-8 nœuds : nous poursuivons au largue avec le moteur pour ne pas traîner.

Un chalut dans l'hélice !...

Dans la nuit du 4ème jour, alors que les chevaux commencent à sentir l’écurie, le moteur cale brusquement et refuse de redémarrer ! Thierry craint d’abord un serrage du moteur. Je prends le quart tandis qu’il vérifie le moteur et je trouve que la manette des gaz est difficile à remettre au point mort… Thierry monte voir et, au point mort, relance le moteur qui démarre normalement : le diagnostic est clair, on a pris quelque chose dans l’hélice ! Thierry éclaire l’arrière et voit une grande trainée blanche derrière le bateau. Le gouvernail est quasiment inopérant et le bateau dérive, bâbord amure, vers le Nord-Nord-Ouest. Thierry tente de rectifier le cap vers l’est mais le bateau passe tribord amure et nous voilà partis au sud. Sans vitesse et sans gouvernail il est impossible de revenir sur l’autre amure. Toutefois Thierry s’obstine et, à force de monter, descendre, border, choquer les différentes voiles, il parvient une heure après à reprendre le cap d’origine. Je prends le quart pour que Thierry aille dormir car il va devoir plonger au matin. Nous poursuivons toute la nuit à cette allure stable, freinés par notre ancre flottante parasite : à 1 ou 2 nœuds nous parcourons malgré tout une dizaine de milles jusqu’au lever du jour.

Au petit matin nous constatons que nous trainons un gros chalut de plusieurs mètres ! Thierry, aidé de Nicolas, s’affaire deux heures durant à le couper au ras de la poupe et à le remonter à bord ; autant éviter la même mésaventure à d’autres bateaux ! Ce faisant un cachalot passe à une encablure de nous : de quoi rassurer Thierry qui va devoir plonger…

on remonte le filet

Reste l’opération la plus délicate : plonger pour dégager l’hélice. Fort heureusement nous avons à bord l’équipement de plongée et la bouteille est pleine ! Thierry s’équipe tranquillement et vérifie plutôt trois fois qu’une que tout est en ordre.

Th plonge en mer

Il s’attache à la ligne qui sert à remonter un éventuel homme à la mer, bout que Nicolas arrime au winch afin de remonter Thierry en cas de problème. Nous affalons les voiles mais le bateau dérive tout de même à près d’un nœud, ce qui rend la manœuvre dangereuse. Le bateau prend les vagues par bâbord, côté où plonge Thierry afin d’éviter le filet qui logiquement doit être entraîné de l’autre bord. Il emporte avec lui couteaux et pince coupante, attachés à sa ceinture de plomb. Il plonge sans palmes pour minimiser les risques de se prendre dans le filet… mais s’il advenait qu’il se détache, il ne pourrait jamais rejoindre le bateau. Je le regarde plonger dans l’océan avec anxiété ! De temps à autre j’aperçois le jaune de sa bouteille et des bulles… les minutes passent, interminables… Le pauvre est secoué par chaque vague et va cogner durement contre la coque. Il parvient toutefois à couper tous les fils en une dizaine de minutes. Avant de couper le dernier fil, il vérifie que rien n’est pris dans le filet. Clac, c’est fini, le filet part doucement à la dérive sur tribord tandis que Thierry s’accroche ferment à l’hélice. Une fois le filet parti il remonte à la surface et hèle Nicolas pour qu’il lui donne du mou afin qu’il rejoigne l’échelle à l’arrière du bateau (bien pratique cette grande échelle !). Je me précipite pour aider notre héros du jour à se défaire de son harnachement et lui apporte de l’eau chaude et son peignoir. Pour finir, toute l’équipe prend un bon chocolat chaud agrémenté d’une bonne rasade de rhum ! Ca réchauffe et déstresse. A onze heures le moteur repart : il tourne bien, a priori l’arbre d’hélice n’a pas été endommagé. Nous avons dérivé doucement pendant 10 heures mais nous voilà enfin repartis sans avoir eu à demander du secours.

Dernier jour tranquille

Notre arrivée, espérée en fin de journée, est maintenant retardée au matin suivant et il va falloir passer une nouvelle nuit en mer.

La dernière journée est tranquille, sans changement. Thierry passe devant Les Glénan vers 4 heures du matin. Je fais avec lui l’approche de Bénodet entre les cailloux (vive le traceur à la barre) : mais au moins, ici, ils sont tous sur la carte et marqués de cardinales ! La nuit est calme, éclairée par un quartier de lune, et les lumières de la côte se reflètent sur l’eau.

Au lever du jour nous amarrons le bateau au ponton visiteurs de Bénodet où nous retrouvons notre place à risque…. (Voir page Bénodet : attention danger !).  

amarrage à Bénodet

De retour à Bénodet

Thierry et Nicolas débarquent le chalut sur le ponton.

Nous cherchons en vain un bar ouvert pour prendre un café-croissants… Le voyage est enfin terminé, un gros dodo, une bonne douche et la vie reprend son cours ! Nous sommes fatigués par ces 5 semaines de voyage mais heureux d’être arrivés à bon port.

Fin du voyage

Dans la journée nous sommes l’attraction du port : beaucoup viennent nous accueillir et nous demandent des nouvelles de notre voyage. Nous sommes passés du statut de bateau en partance à celui de bateau revenant de loin avec plein d’aventures à raconter ! Pas peu fiers… Nous avons parcouru environ 6000 kilomètres avec notre bateau, visité 9 îles aux Canaries et à Madère, puis caboté en Galice. Nous sommes riches de plein de belles rencontres, de paysages magnifiques et de nouvelles expériences nautiques. J’ai enfin vaincu ma peur des grandes traversées et Thierry devient un bon marin expérimenté. Chaque jour nous savourons le bonheur de notre nouvelle vie de nomade des mers et, pour rien au monde, nous ne reviendrions à terre.

La saison 2 est terminée. Nous ouvrons un long intermède estival (Voir notre site www.les3grenouilles.fr) et le programme de l’été est très chargé : finies les vacances !

A l’automne nous retournerons aux Canaries avec une virée au Cap Vert. Cette fois nous laisserons le bateau là-bas.

Quelques photos prises en route...

Date de dernière mise à jour : 08/10/2018