La vie aux Roques

La vie de nos amis à Crasqui

  Au fil des jours et des discussions avec Carola et Eduardo nous appréhendons leur vie sur cet île quasi déserte d'un archipel centré sur Gran Roque, unique ville locale.

Le Rancho Agua Clara est habité par la famille d'Eduardo. Il vit avec sa femme Carola et leurs deux filles de 5 et 9 ans. Avec eux vit également Emilio, cousin germain d'Eduardo. Emilio est disons... un peu rustre... c'est "aquaman" (à plus de 50 ans il plonge en apnée à plus de 20 mètres) et c'est lui qui alimente la famille en poissons qu'ils mangent à tous les repas ( y compris le petit-déjeuner).

Carola est du continent et a fait des études universitaires à Caracas. Elle y a rencontré Eduardo et a choisi de venir vivre avec lui à Crasqui. Elle aime cet endroit et cette vie simple en liberté. Elle a une vision très critique de notre monde... Elle pense qu'ici, malgré les difficultés économiques, ils auront toujours de quoi manger et seront plus heureux qu'en ville dans un favella.

Eduardo et Emilio ont toujours vécu à Crasqui dans cette maison construite par leurs grands-parents qui s'installèrent là avec leurs enfants. Leurs deux filles sont les mamans d'Eduardo et Emilio. La maman d'Eduardo vivait seule avec ses quatre enfants. A cette époque l'archipel vivait de la pêche. La famille avait un bateau à voile pour emmener les enfants à l'école à Gran Roque. Avec le vent d'Est cela devait être du sport d'aller là-bas ! Dès ses 7 ans Eduardo a dû travailler avec les pêcheurs pour rapporter un peu de poisson à la maison. Au fil du temps il n'est resté que Eduardo et Emilio à Crasqui et pour rien au monde ils ne quitteraient leur île malgré les difficultés matérielles.

Le Rancho Agua Clara est un bar restaurant mais depuis la crise du covid il n'y a quasiment plus de touristes en voilier. Leurs ressources sont donc très compromises... Lors de notre arrivée Carola semblait très surprise qu'on lui commande deux bières... et étonnée qu'à l'annonce du tarif de 5 dollars chacune nous n'y renoncions pas !

Sur l'île de Crasqui il n'y a ni électricité ni eau douce. Actuellement seulement 2 ou 3 familles vivent là à demeure dans des habitations très rustiques.

La maison d'Eduardo est faite de planches et de béton au sol mais elle est décorée avec goût. Ils possèdent un bateau avec deux moteurs de 150 chevaux qui sont aujourd'hui à bout de souffle.

Électricité et télécom aléatoires

 L'installation électrique du rancho est très rudimentaire avec quelques batteries fatiguées, des branchements faits sans outillage et des fils volants. Un vieux groupe électrogène - souvent en panne - alimente les frigos trois heures par jour.

A Gran Roque un gros groupe électrogène en très mauvais état fournit l'électricité de la ville... quand il fonctionne ! Les jours de panne sont nombreux et les hôtels et commerces importants ont de gros groupes électrogènes pour pallier ces pannes. Certains jours ça ronronne de partout dans les rues de Gran Roque.  L'antenne Télécom n'est alors plus alimentée, seuls les appels sont possibles. Lorsque l'électricité fonctionne, l'antenne permet d'alimenter une grande partie de l'archipel en internet. 

Pas de source d'eau douce aux Roques

  Eduardo doit aller chercher l'eau à Gran Roque où elle leur est fournie gratuitement. Tous les 10-15 jours ils chargent une grande cuve de mille litres et de gros jerricans sur leur bateau. Le retour est difficile avec ce chargement dans la houle ! A l'arrivée ils pompent l'eau pour alimenter diverses cuves de la maison. Toute cette opération leur prend la journée entière. Le lendemain c'est corvée de lessive avec une vieille machine. Durant notre séjour Carola et ses filles changeaient de tenue chaque jour, toujours très élégantes... mais le tas de linge sale doit monter vite ! Pour eux l'eau douce est très précieuse et Carola économise chaque litre... tandis que les petites n'hésitent pas à passer sous la douche après chaque baignade.

A Gran Roque l'eau douce est obtenue par récupération d'eau de pluie et surtout par un dessalinisateur. Chaque maison a une grosse cuve en plastique bleu sur le toit. Ils récupèrent ainsi l'eau de pluie mais il ne pleut guère ici. Lorsqu'elle est vide un "porteur d'eau" vient avec des cuves sur une charrette et pompe l'eau pour remplir la cuve sur le toit.

Distribution d'essence

   Le gouvernement distribue de l'essence quasi gratuitement aux professionnels. Le problème est que la distribution à Gran Roque est aléatoire et annoncée au dernier moment. De plus, ils doivent payer en bolivar, monnaie officielle du Venezuela mais introuvable aux Roques. Bref, ils sont souvent obligés d'acheter de l'essence qui, si j'ai bien compris, est vendue près de 2 dollars US le litre ! 

La monnaie locale est le dollar US

 A Gran Roque la monnaie utilisée est le dollar US. Nous n'avons pas compris comment ils se procurent ces dollars. Il y a une banque mais le distributeur n'a jamais fonctionné. Ont-ils des comptes à cette banque ? Mystère. C'est la chasse aux petites coupures car il faut faire l'appoint. Quid du bolivaro ? Mystère également.  

Approvisionnement hebdomadaire

  Gran Roque est approvisionnée chaque semaine - sauf quand le bateau est en panne ou que la météo est mauvaise - par un cargo qui accoste sur l'île et décharge des camions remplis de tout ce qui est nécessaire à la vie ici. Pas de bateaux, pas de légumes dans les commerces ! On ne trouve que des produits de base. Comme les rues de la ville sont en sable, les livraisons se font avec des charrettes à bras. Eduardo va de temps à autre à Caracas chercher ce qu'il ne trouve pas sur place. Ils y vont avec leur bateau : quatre heures en haute mer sur ce petit bateau, c'est du sport !

L'école à Gran Roque

  Les filles de Carola vont à l'école à Gran Roque. Leurs parents les y emmènent en bateau et attendent la fin de la classe vers 13 heures pour rentrer. Il leur faut 20 à 30 minutes pour aller à Gran Roque contre le vent et la houle. Lorsque les conditions sont mauvaises les filles ne vont pas à l'école (assez souvent). De plus, lorsque l'électricité est en panne ou qu'il n'y a plus d'eau à l'école, les cours sont annulés. Durant notre séjour à Crasqui elles ont dû y aller deux ou trois fois... Carola reçoit les devoirs par internet et fait travailler ses filles. Leur besoin d'éducation est peut-être ce qui motiverait leur départ de Crasqui... mais pour le moment les filles ont la belle vie : une famille aimante, un cadre de vie superbe, une plage devant la porte, des chats, des chiens, et même des jeux et des dessins animés sur une tablette ! Elles bénéficient surtout d'une très grande liberté.

Gran Roque sera bientôt le St-Trop du Venezuela

 Gran Roque est maintenant investi par de riches vénézuelliens qui viennent ici construire de beaux hôtels. Leur clientèle très aisée vient de Caracas en avion-taxi ( près de 300 dollars), voire en avion privé. Ces hôtels fournissent les loisirs : kite surf, pêche en mer, massage  ou journée au soleil sur la plage d'une île de l'archipel. Pour Eduardo, comment rivaliser avec cette industrie touristique ?

A Crasqui de riches vénézuelliens ont construit récemment une superbe maison en bois à deux pas du rancho. Immenses baies vitrées, terrasses, air conditionné et dessalinisateur. Ils sont venus y passer 2 ou 3 week-ends depuis un an. Ils apportent tout : leur personnel et tout ce qu'ils consomment. Ils sont venus durant notre séjour et Carola a pu savoir que ce sont des membres du gouvernement... Un hélicoptère est venu les chercher pour les déposer à l'aéroport ! Bien évidemment ces gens fortunés ne prêtent aucune attention à leurs pauvres voisins... L'idée de les aider en leur proposant un peu de travail ne leur traverse pas l'esprit.
Eduardo a été sollicité pour vendre sa maison... eh oui, les pauvres masures de l'île doivent leur gâcher le paysage ! Deux autres maisons identiques sont en construction... Crasqui sera bientôt une île réservée aux riches...

Comment les aider si vous allez aux Roques ?

L'approvisionnement est rudimentaire mais les produits de base sont présents. Toutefois, pensez que beaucoup n'ont que très peu de revenus... par exemple,  apportez des produits de toilette (une bouteille d'eau de cologne a fait la joie de Carola) et vous leur ferez plaisir. Pensez aussi aux jouets, affaires scolaires ( cahiers, feutres, stylos...), vêtements, lunettes de soleil...
Des ustensiles de cuisine peuvent aussi être appréciés : couteaux, couverts, ouvre boîtes, boîtes plastiques, casseroles...
Ils ont un outillage plus que rudimentaire.  Tout ce qui permet de faire ou réparer des circuits électriques sera le bienvenu. Nous leur avons offert par exemple un fer à souder ( avec l'étain). Ils manquent de pinces, tournevis, clés... Pensez qu'ils doivent entretenir leurs moteurs hors-bord avec peu d'outillage.
Si vous venez de changer vos batteries et que les vieilles ne sont pas mortes vous ferez des heureux. Idem pour les panneaux solaires.
Il n'est pas nécessaire de donner du neuf, alors faites le tour de vos placards et profitez-en pour faire du tri et renouveler certaines choses !
Merci pour eux... et si vous passez à Crasqui allez voir Eduardo et Carola de notre part, vous serez bien accueillis.