Les billets de Cath

  • Bilan de 4 saisons et une transat

    8 octobre 2018 : dans deux jours nous reprenons l'avion pour retrouver notre bateau laissé à Carriacou (Grenade). Cette 5ème saison sera a priori sous le signe du farniente aux Caraïbes. Nous allons musarder d'île en île vers le nord sans objectif précis. PROFITER.

    Je suis toujours aussi heureuse de repartir sur le bateau. C'est décidément une vie que j'aime et qui me convient très bien. Elle est si riche de rencontres et d'imprévus et les Caraïbes sont un régal pour les yeux.

    Que dire de mes talents de marin ? Je n'ai pas l'impression d'avoir beaucoup progressé dans l'art de la navigation ! Je ne comprends toujours pas vraiment comment régler toutes ces foutues voiles (ah si on avait un sloop... ce serait plus facile pour moi). J'en sais assez pour me débrouiller seule si jamais Thierry se trouvait dans l'incapacité d'assurer et c'est déjà pas mal. Je n'ai fait aucun progrès dans l'art du matelotage qui m'ennuie beaucoup. Par contre j'ai "assuré" durant notre transat à deux malgré des conditions de mer très difficiles : vent de 20 à 45 noeuds et vagues croisées de 6-7 mètres pendant presque toute la traversée. J'ai fait mes quarts et j'ai réussi à nous nourrir malgré les vagues qui secouaient le bateau dans tous les sens. J'ai bien eu quelques moments de détresse, principalement au réveil, après une mauvaise nuit, en découvrant les montagnes de vagues qui se "jetaient" sur le bateau... mais après une bonne crise de larmes je finis toujours par retrouver un peu de sérénité. Il m'est même arrivé de me sentir bien dans le vent au milieu des vagues si loin de toute terre ! Cette traversée m'a confirmé ma ténacité et ma capacité à tenir le coup sur une longue période, malgré la fatigue. Nous avons vécu cette aventure à deux... je devrais dire à trois, car Lambarena en est le premier acteur : solide, fiable, stable et sécurisant, bien qu'un peu bas sur l'eau. Thierry avait bien préparé le bateau et j'avais confiance dans sa capacité à gérer les problèmes techniques. J'ai maintenant une grande confiance dans mon capitaine qui est assurément un bon marin ! Pour cette traversée il a "campé" dans le carré de sorte qu'il était toujours à portée de vue et de voix, prêt à intervenir à tout moment si j'étais en difficulté. Sa présence à mes côtés me rassurait. Je ne me suis jamais sentie seule durant cette longue traversée. J'en garde le souvenir de journées harmonieuses malgré le stress dû aux conditions (il y a eu probablement quelques prises de tête mais je n'en garde aucun souvenir). On se sent bien petit et vulnérable à des milliers de kilomètres de la côte, sans croiser aucun bateau pendant de longues journées, au milieu de cette mer démontée. Que devriendrions-nous s'il fallait abandonner le bateau et monter dans le radeau de survie ? Eviter de penser à cela... Ma grande angoisse était de voir les vagues déferler et s'abattre sur notre pont au risque de tout arracher; mais par chance cela n'est pas (encore) arrivé.

    Nos navigations aux Antilles nous ont ensuite confirmé nos progrès. Nous quittons maintenant le mouillage malgré un BMS (bulletin météo spécial annonçant un bon coup de vent) sans trop nous poser de questions alors qu'avant nous aurions sagement attendu l'accalmie ! Ces navigations musclées ont été un réel plaisir pour moi : de courte durée pour ne pas souffrir de fatigue excessive et une côte pas trop loin pour me rassurer (à tort probablement...) j'ai pu apprécier le jeu du vent et des vagues, retrouver le plaisir de mes anciennes navigations, quand ce n'était pas mon bateau et que j'étais inconsciente du danger. Du bonheur. Et la fierté d'être ce marin aux prises avec des conditions difficiles. La mer est si belle quand elle se fâche ! Malgré tout, j'ai toujours peur des grosses vagues... mais ma peur recule en même temps que les vagues grossissent et que je constate que le bateau les passe sans casse.

    La question récurrente maintenant est : va-t-on traverser le Pacifique ? J'avoue que mon expérience de la transat me refroidit beaucoup et que je n'ai plus guère envie d'affronter les immensités du Pacifique ! J'ai peur des vagues scélérates... et des grosses vagues déferlantes que nous finirons bien un jour par rencontrer. Les Caraïbes sont un grand terrain de jeu et j'imagine qu'il nous faudra quelques années pour l'explorer. Les années passant et l'âge avançant, aurai-je un jour le courage d'afonter ce voyage même si ces pays me fascinent ? Peut-être que je laisserai Thierry faire la traversée sans moi et le rejoindrai en avion. L'avenir nous le dira.

  • Cette fois c'est la transat !

    Une année sans rien écrire sur "mon" blog ! Normal, la vie continue et j'y prends de plus en plus de plaisir et d'assurance.

    La saison dernière a été plutôt laborieuse avec deux longs mois de travaux sur le bateau. J'ai passé des heures à poncer et donner un coup de main à Thierry dans ce que je sais faire. J'aime aussi cette vie à bricoler au chantier !

    Je n'ai maintenant plus d'anxièté particulière en prenant la mer. Nous avons affronté des conditions assez difficiles, sans toutefois subir du gros temps. J'ai confiance dans le bateau et dans le capitaine. J'ai même plutôt confiance dans ma capacité à surmonter des moments difficiles en mer. Je pars pour la transat avec moins d'appréhension que je n'avais en partant pour ma première traversée du Golfe de Gascogne !

    Au fil des navigations Thierry a fini par comprendre comment gérer les voiles : il nous arrive maintenant de monter les deux grand'voiles ! Thierry a potassé cet été le guide des manoeuvres d'Eric Tabarly qui explique comment gérer les voiles d'une golélette (le seul bouquin trouvé qui en parle), alors cette saison, on va battre des records de vitesse (peut-être dépasser les 5-6 noeuds par bon vent auxquels nous sommes habitués...) 

    Pour notre transat nous avons décidé d'embarquer un couple : plus que six heures de quart chacun ! Et surtout de la compagnie pour meubler toutes ces heures seuls au milieu de l'océan.

    Nous partons pour les Antilles où nous pourrons enfin savourer le plaisir de musarder tranquillement de mouillage en mouillage, de se baigner dans des eaux limpides, chaudes et poisssonneuses et de sacrifier le soir à la tradition du ti'punch ! Espérons que le bateau nous laisse un peu de répit question réparations en tous genres....

  • C'est reparti pour la saison 3

    Mon dernier billet remonte à la traversée du Golfe de Gascogne l'an dernier !? Il s'en est passé des choses depuis... J'imagine que si je n'ai pas trouvé le besoin de m'épancher sur ce blog, c'est que j'ai cessé d'avoir des états d'âme. Une saison plus tard mes interrogations se sont enfin envolées : OUI je suis heureuse dans cette vie là et je ne regrette pas mes choix ! Bien sûr il me reste toujours un peu d'appréhension au moment de prendre la mer pour un long périple. Maintenant la question n'est plus "est-ce qu'on va arriver sans problème ?" mais plutôt "quel problème va-t-on avoir cette fois-ci ?". La différence est que je sais à présent que Thierry gère très bien les problèmes et que je stresse mais que c'est notre vie... Je lui fais confiance pour m'amener à bon port et c'est l'essentiel. Toutefois, nous n'avons pas encore essuyé de gros temps, maximum 35 noeuds (ce qui est déjà pas mal d'ailleurs)... Voilà, à quelques jours d'un nouveau départ, je reste un peu anxieuse mais je me sens tout de même assez sereine. Nous embarquons un équipier avec nous et ça me rassure beaucoup.

    Thierry gère mieux le bateau même s'il a encore beaucoup à apprendre pour régler les voiles, une goélette ne se manoeuvrant pa du tout comme un sloop. La première année nous naviguions essentiellement avec la GV avant, la seconde c'était le tour de la GC arrière... peut-être que cette année nous allons enfin donner toute sa mesure à notre goélette et utiliser toutes ses voiles. Je vais être cette fois officiellement dispensée de manoeuvres de montée et descente de voiles : mon épaule gauche me fait souffrir depuis des mois et le verdict est tombé cet été : calcification du tendon ajoutée à une pointe d'arthrose. La veillesse qui commence incidieusement... Deux mois de kiné ont arrangé les choses mais les amplitudes sont perdues et certains mouvements restent douloureux. Il va falloir apprendre à ménager cette foutue épaule. Notre équipier pourra aider Thierry dans les manoeuvres. 

    Pour moi, la vie en haute mer est un intermède hors de l'espace temps : très vite je perds mes repères et la vie s'articule autour des quarts, le reste du temps étant occupé à dormir ou du moins me reposer. J'appréhende toujours la nuit qui m'angoisse mais ce sont aussi malgré tout des moments magiques avec le ciel étoilé et souvent les traces lumineuses autour de l'étrave provoquées par le plancton phosphorescent : cela fait un peu comme des cierges magiques... Comme je prends le quart de fin de nuit, j'apprécie particulièrement les levers de soleil. La nuit s'estompe peu à peu et des lueurs roses orangées éclairent le ciel à l'est. Petit à petit le jour revient et soudain c'est une explosion de lumière. Une autre journée commence à se laisser rêvasser en regardant les vagues, les nuages, les rares oiseaux de mer. Les bateaux se font rares voire inexistants durant plusieurs jours. Nous sommes seuls sur cette immensité, un petit point sur la carte. Les heures passent, à la fois toujours pareilles et jamais identiques. Et puis bien sûr il y a aussi ces moments magiques où des dauphins viennent nager autour du bateau. Ils passent sous la proue, sautent et repassent sans cesse. ils nous regardent de leur oeil rond : lequel observe le plus l'autre ? Ils ont toujours l'air de sourrire... 

    Hormis ces grandes traversées encore un peu anxiogènes pour moi, la vie de marin est vraiment un grand bonheur. J'aime vraiment beaucoup VIVRE sur le bateau avec Thierry qui est un capitaine et un compagnon formidable. L'hiver dernier nous avons pu vivre à notre rythme au gré des vents et des rencontres. La vie dans les marinas a été très riche de belles rencontres très diverses. La palme revient à cette bande de jeunes rencontrés à La Gomera avec qui nous avons vécu des moments formidables (Voir "On est une bande jeunes..."). Notre soirée crêpes en musique sur le ponton de Tazacorte restera aussi un souvenir indélébile. Thierry étant très sociable et parlant à tout le monde sans inhibition, nous faisons très vite des connaissances partout où nous allons. Je commence même à me dérider un peu et je parviens moi aussi à aller bavarder avec les gens... J'apprécie beaucoup nos soirées passées autour d'un verre ou d'un plat de pâtes à parler de nos voyages. Je rencontre des femmes qui comme moi ont eu beaucoup d'interrogations avant le départ et sont encore fragiles dans ce milieu. Parler avec elles de nos angoisses mais aussi de nos plaisirs me fait du bien.

    La vie aux Canaries nous a aussi permis de faire quelques belles randonnées dans la montagne. Là aussi il m'a fallu prendre sur moi pour affronter mon vertige et ma fatigue, mais quelle belle récompense ! J'aime profiter de ces paysages magnifiques dans une nature sauvage, que ce soit en bord de mer ou sur terre. Notre vie en bateau nous permet de vivre au grand air et je me demande comment j'ai pu passer autant d'années enfermée derrière un ordinateur ! Je me sens BIEN sur le bateau. 

    Nous avons pu nous aventurer davantage au mouillage et ce sont des journées paisibles, loin de tout, à savourer le temps qui passe, le soleil... et la baignade. J'ai passé de longues heures avec mon masque à observer les poissons : je ne me lasse pas de ce spectacle !

    Bref, j'aime cette vie simple au grand air, surtout riche de nos rencontres et de notre liberté.

    Cet été j'ai vendu mon appartement à Rennes : me voilà totalement nomade sans plus d'attache à terre. Nous avons aménagé notre camping car pour y vivre lorsque nous reviendrons en France. J'espère que nous pourrons aller visiter d'autres pays par la route !  Pas de regrets : j'aime cette vie et ne reviendrais en arrière pour rien au monde. Je me sens à ma place dans ce monde marin. Toutefois je reste encore ébahie par l'audace et la tenacité dont j'ai réussi à faire preuve pour larguer les amarres et vivre enfin cette vie là ! Au fond de moi, je ne me sentais pas vraiment capable de cela.... et j'ai réussi !

  • Ma première traversée du Golfe de Gascogne sur MON bateau

    Voilà, c'est fait : j'ai traversé le Golfe de Gascogne sur MON bateau ! Je l'avais fait il y a 10 ans en été sur un "BDA" (bateau des autres) et j'avais vomi la première nuit... rebelotte cette fois-ci, c'est la deuxième fois que j'ai vraiment le mal de mer.

    J'appréhendais cette traversée en automne car le Golfe de Gascogne est un endroit dangereux, avec beaucoup de houle et souvent des vents violents. Peur d'avoir peur. Peur de ne pas maîtriser le bateau dans des conditions difficiles. Thierry était plus confiant, fort de son expérience d'un Bénodet-Cadix Aller er retour l'an dernier. Il a apprivoisé le bateau même s'il a encore des difficultés à trouver le bon équilibre des voiles qui assure une route sereine et permet au pilote automatique de bien fonctionner. Aussi il a pris, lors de sa première navigation seul à bord, des claques à 45 noeuds avant d'arriver s'échouer dans le port de St Gilles Croix de Vie... Pas d'autre solution pour moi que de me lancer, même la peur au ventre : il faut assumer ses choix ! Durant les jours de préparation du bateau et d'attente d'une bonne fenêtre météo à Bénodet, l'anxiété est montée, puis la météo étant bonne j'ai été moins stressée.

    Le départ s'est super bien passé : belle journée ensoleillée, petit vent mais houle un peu agressive. Nous traçons au grand largue à 5-6 noeuds et, si ce n'était le mal de mer qui menace, la journée aurait été vraiment agréable. A la nuit, des lucioles et des dauphins sont venus nous éblouÏr. J'ai fini par trouver le sommeil grâce à mes boules Quiès car les bruits innonbrables du bateau, ajoutés au remue ménage incessant dû aux vagues, rendaient le repos difficile, l'oreille aux aguets. Thierry met le moteur et change de cap : a-t-il besoin d'aide ? Je suis si bien au chaud... puis je remarque une odeur de plastique brûlé qui me réveille totalement. Je me lève et vois de la fumée dans le carré : il y a le feu à bord ! En un instant j'imagine le pire... Thierry a coupé le pilote et ne peut lâcher la barre avec cette houle... il me dit d'enfiler ma veste et mon gilet avant de monter le relayer à la barre. Son calme me rassure un peu. Il descend et cherche... Nous réveillons Youenn qui dort dans la cabine avant. Thierry coupe l'électricité et trouve bien vite le court-circuit, il arrache les fils incandescents et, ouf, c'est fini... sauf qu'on est dans le noir et sans pilote... la panique m'empêche de réfléchir pour manoeuvrer la barre sans instruments et je ne parviens pas à contrôler la trajectoire du bateau. Youenn, très calme et visiblement en totale confiance en son père, me reprend. Encore quelques minutes et Thierry parvient à remettre l'électricité : tout fonctionne, miracle !!! On remet le pilote et nous reprenons notre calme. Thierry tousse beaucoup, intoxiqué par les vapeurs toxiques mais il n'a pas les lèvres bleues, alors ce n'est pas trop grave. Je redescends me coucher, épuisée par tant d'émotions.

    Au matin la journée est agréable, comme la veille. Hormis la houle qui secoue le bateau dans tous les sens, tout va bien. Dans le bateau c'est un capharnaüm terrible car plein de choses ont volé, mais pas de casse. Je reprends confiance quand, soudain, le pilote décroche. Thierry et moi tentons de remettre le bateau dans l'axe mais nous empannons et la bôme plie. Cette nuit, dans la panique, nous n'avons pas bordé les deux écoutes de la GV, ce qui empêche l'empannage... Le manque de maîtrise des voiles m'angoisse. Mais nous pouvons poursuivre avec le génois, ce n'est pas très grave. Jusqu'à l'arrivée en vue de la côte les conditions météo restent inchangées et je reprends à nouveau confiance, le stress s'estompe. Nous amarrons le bateau à 6 heures du matin à La Corogne : OUF, c'est fini, nous sommes arrivés ! Quel bonheur de retrouver un lit qui ne bouge pas (même s'il est trempé) et une douche chaude.

    Nous restons deux semaines à La Corogne. Nous y rencontrons des marins qui ont vécu de bonnes galères en traversant le Golfe. Mes appréhensions ne sont pas seulement le fruit de mon imagination... Quand certains nous disent que tout va très bien et n'ont aucune galère ou anecdote à raconter je suis sceptique... Ici j'ai noué une amitié avec Pascale qui a un peu la même approche de la vie en bateau que moi. Elle aussi angoisse... même plus que moi ! Elle a moins d'expérience que moi mais part pour les Antilles. Ca m'a fait du bien de pouvoir en parler et partager cela avec une autre femme. Merci à Pascale pour son soutien !

    Ici Thierry fait figure de vieux loup de mer. Il donne des conseils et des coups de main. Mais il profite aussi de chaque conseil qu'il peut glâner auprès de marins expérimentés. Un skipper anglais (Cliff) qui travaille sur une goélette de 25 mètres nous donne de précieuses indications pour gérer nos voiles. Je me dits que j'ai bien choisi "mon" capitaine !

    Visiblement en matière de météo il assure bien car ses  prévisions s'avèrent justes. Tous les marins du port prévoient de partir le même jour... mais ce jour est sans cesse repoussé car les prévisions évoluent toujours défavorablement. Je me demande quand nous allons pouvoir sortir de là ! 

  • 6 semaines, premier bilan

    ​Plus de 6 semaine ont passé depuis mon embarquement à Porto et la fin d'année approchant c'est un moment propice pour faire un premier bilan.

    Les choses ont plutôt mal commencé avec ces 11 jours bloqués à Povoa de Varzim à se faire balloter au ponton dans une marina tristounette dans une ville sans attrait par mauvais temps. A part le bonheur de se dire que ça y est, que notre voyage en bateau a enfin commencé, nous sommes très loin du rêve !!!

    Notre voyage vers le sud s'est avéré plus pénible que je ne l'imaginais. J’aurais pu « entendre » les récits de traversées laborieuses à cet endroit, mais je ne voulais probablement pas casser le rêve… La mer est difficile avec une grosse houle nord-ouest de 3 à 5 mètres et des vagues qui suivent la direction du vent, généralement du nord. Lorsque le vent est trop faible, le bateau a du mal à garder le cap dans les vagues et il roule beaucoup. Le mouillage est impossible et les ports sont assez distants les uns des autres. En hiver, on ne peut pas relier le port suivant dans la journée. Comme nous avons besoin de nous entrainer aux navigations de nuit, nous avons fait le choix de partir dans l’après-midi et d’arriver le lendemain. Dans ces conditions difficiles, la nuit était plutôt stressante. Youenn a le mal de mer et nous l’avons assez peu sollicité pour les quarts de nuit. Un point positif tout de même : la température relativement douce qui permet de ne pas être gelés (mais équipés tout de même).

    Après Povoa de Varzim nous avons pu passer une grande semaine à Porto dans une marina très agréable. Quelques jours de grisaille et de pluie nous bloquent au bateau et pour finir nous ne parviendrons à visiter Porto que de nuit, un peu dommage. Toutefois cette escale est déjà plus agréable et ressemble un peu à des vacances. Ensuite nous faisons escale à Nazaré et les conditions météo sont toujours meilleures sans être encore vraiment agréables. L’escale suivante à Cascais sera enfin une vraie escale plaisir avec du soleil et une ville attrayante.

    Au final, nous naviguons très très peu. Les escales sont occupées à réparer ou améliorer le bateau mais Thierry prend son temps, rythme vacances. Le repos est bien mérité après cette année de labeur acharné ! Quant à moi, l’intendance quotidienne m’occupe suffisamment car les tâches ordinaires prennent plus de temps en bateau. Je tprends aussi le temps d’alimenter le site et d’aider Youenn dans son travail scolaire.

    A Cascais nous décidons de partir pour les Canaries, but tant espéré de ce premier voyage, où nous espérons passer l’hiver au chaud. A nous mouillages, baignages et balades sous le soleil, à notre rythme ! Mais avant… il y a cette traversée d’une semaine à faire tous les trois… J’ai confiance en Thierry mais je ne suis pas certaine de savoir gérer mon sommeil capricieux. J’ai toujours l’angoisse que les conditions météo soient plus difficiles qu’annoncé et que notre équipage trop novice vive une vraie galère. Mais le moment n’est plus aux hésitations : il faut se lancer ! D’autres le font sans plus d’expérience que nous.

    J’ai très mal géré la préparation de cette traversée. J’ai bossé toute la journée pour que le bateau et l’avitaillement soient prêts et le soir j’étais exténuée et fourbue. Trop occupée, j’ai négligé de préparer  de bons repas pour cette dernière journée. Erreur fatale : il faut partir reposé et repu ! La première nuit est difficile avec une grosse houle et au matin je ne parviens plus à rien avaler même si je n’ai pas de nausée. C’est difficile de s’alimenter à la volée quand on est au régime sans gluten : pas droit au pain (donc au sandwich) ni aux petits gâteaux. Youenn vomit à plusieurs reprises mais parvient tout de même à assurer deux  heures de quart au milieu de la nuit, ce qui nous soulage bien. Thierry, voyant son équipage mal en point, prend une sage décision : ne pas poursuivre et aller se reposer sur la côte sud du Portugal que nous pouvons atteindre dans la nuit suivante.

    Arrivés à Portimao il me faut plus d’une semaine pour remettre mon système digestif en ordre de marche ! Nous restons tranquilles à la marina et profitons de quelques jours de beau soleil pour nous requinquer.  La côte sud est attrayante et le climat y est agréable, un peu comme en Bretagne en septembre. C’est décidé, nous restons là. Je n’ai plus que deux mois de vacances et j’ai envie de profiter enfin de soleil, de petites navigations tranquilles et surtout de mouillages.

    Enfin, nous quittons la marina pour des navigations « plaisir » et de beaux mouillages ! Pour les baignades, il faudra attendre l’année prochaine… Nous restons aux abords de Portimao où nous voulons passer Noël. Nous jetons l’ancre dans la grande baie bien protégée aux pieds des falaises. Notre annexe nous permet d’aller faire du rase caillou : roches rouges et ocres, eau verte ou bleue selon les endroits. C’est un régal de couleurs et je photographie à tout va. Les couchers de soleil sont extraordinaires, plus beaux d’un jour à l’autre. Les jours passent trop vite, paisibles et agréables : enfin de vraies vacances !

    Nous touchons donc enfin de plus près à notre rêve ! Nous sommes fiers d’être arrivés là malgré notre manque d’expérience. Thierry manœuvre maintenant plus facilement le bateau et les arrivées de port se font sans stress. Youenn est un excellent matelot, toujours prêt pour hisser les voiles, préparer les amarres, envoyer  l‘ancre… Je me demande comment on fera sans lui. Nous avons pris confiance en nous en navigation et chacun sait ce qu’il a à faire. J’ai confiance en la capacité de Thierry à gérer des situations difficiles. Par contre je n’ai pas pu/su/voulu trouver le temps pour me familiariser avec tous ces appareils plein de boutons…  et une tendinite aux coudes tenace me dispense de manœuvres de voiles… pas top l’équipière ! Heureusement que j’assure plutôt bien comme bosco…

    Hier j’étais seule sur le pont en fin d’après-midi, le bateau filait gentiment au près par 10 nœuds de vent, le coucher de soleil était magnifique, la mer était belle… et j’éprouvais à nouveau ce bonheur indicible d’être là, tous doutes envolés sur mes choix. La nuit est tombée, le vent a forci et le bateau s’est enfoncé dans le noir profond d’une nuit sans lune. Toujours seule aux commandes et heureuse malgré le froid.

    Le plus important dans cette vie-là (comme ailleurs) est de prendre du plaisir à vivre ces moments ensemble, à partager les joies comme les difficultés. Je suis toujours heureuse de partager tout cela avec Thierry… et avec Youenn aussi qui est un ado bien agréable à vivre (même si je le houspille par moments pour le faire bosser !)

    Voilà… Je suis toujours convaincue d’aimer cette vie de nomade des mers et je doute toujours d’être apte à faire des grandes traversées. L’année 2015 devrait donc commencer par l’aboutissement de notre rêve, jusqu’à ce que je reprenne l’avion pour retourner au travail et laisse mes deux hommes et mon bateau là. A eux de remonter en Bretagne… 

  • Mes premiers jours en voyage


    J'ai rejoint le bateau samedi après-midi à Porto. Nous sommes au port de Povoa de Varzim au nord de Porto. Il fait mauvais, froid, venteux, grosse houle qui agite le bateau.
    Je retrouve "mon" bateau avec plaisir après ces 2 grandes semaines. Mais je ne suis déjà plus habituée au mouvement du bateau et il me faut 24 heures pour m'amariner à nouveau. Lors de mes promenades je souffre d'un bon mal de terre et tout tourne autour de moi ! La météo est mauvaise et nous attendons ici de meilleures conditions pour descendre à Porto.

    J'ai pas mal de ménage et de rangement à faire après cette traversée entre hommes dans des conditions un peu difficiles... Normal.

    La quasi totalité des ports du Portugal sont fermés car la houle rend l'entrée dangereuse. La houle rentre dans le port et le bateau doit être amarré de tous côtés pour le stabiliser un peu... Mais ça bouge beaucoup et c'est bruyant la nuit !

    Dimanche nous avons profité du soleil pour nous balader dans la ville et faire quelques courses. La vie est moins chère qu'en France. J'ai fait quelques photos des maisons typiques du Portugal avec leurs façades carrelées. Nous nous sommes attablés dans un café en bord de plage. J'ai commandé un chocolat chaud et on m'a servi un truc infect qui ressemble à une danette au chocolat mal gélifiée... Beurk ! La prochaine fois je commande un porto ! Ici les gens sont sympas et on trouve toujours quelqu'un qui parle français.

    Thierry a pêché un mulet mais le gars du port lui a dit que c'est interdit au port... On n'aura donc qu'un poisson à manger.

    Nous passons donc des journées "normales" à bord, loin de la vie idéale avec baignade sous le soleil ! Je range et nettoie le bateau. Je prends un peu de temps pour rédiger ce billet sur mon blog. J'essayer de faire le débriefing de la traversée pour rédiger une news mais Thierry a bien du mal à se remémorer les évènements. Thierry a passé du temps sur l'ordi pour préparer notre route. Youenn profite de cet intermède au port pour avancer ses cours enfermé dans sa cabine. Maintenant Thierry fait la vidange du moteur. Ce matin il fait tout gris avec seulement 13 degrés et nous n'avons pas envie de quitter notre nid. Nous écoutons la radio locale en nous activant. Ainsi s'écoulent des jours tranquilles un peu comme à la maison. L'heolienne tourne à donf et ça fait un fond sonore avec les amarres qui grincent et le bruit du vent dans les haubans.

    Dans l'après-midi le vent se lève : 35 noeuds dans le port... La houle rentre dans le port et la bateau roule tellement que l'eau remonte dans l'évier ! Des grains se succèdent, nous partons en soirée faire quelques courses déguisés en cosmonautes avec pantalons et vestes de quart jaune.

    La météo annonce des vagues de 6 mètres pour mercredi. Nous allons devoir rester ici quelques jours. Je n'ai aucune intention d'affronter une mer déchaînée pour ma première sortie. Repos donc.

    J'appréhende un peu cette première sortie en mer avec des conditions plus musclées. Moi qui n'avais jamais peur en mer je deviens anxieuse... Avoir préparé le bateau m'a fait prendre conscience des risques. Thierry m'exhorte a ne pas m'inquiéter, il a confiance en moi et en son bateau. Il pense que plus vite on partira moins j'aurai le temps de gamberger pour rien !

  • Un été sur l'Odet

    Trois mois à vivre sur le bateau amarré à notre bouée sur l'Odet... c'est le moment de faire un bilan de cette première expérience de vie en bateau sans voyage. La conclusion : c'est super ! Je n'ai pas réussi à ouvrir un bouquin et ces trois mois ont filé comme le vent. Nos rares retrours sur la terre ferme me confortent dans mon choix : je suis mieux sur mon bateau. Et pourtant il lui manque encore quelques éléments de confort : la douche n'est pas opérationnelle et surtout l'espace est toujours envahi par les outils.

    Mais quel bonheur de vivre là, sur l'eau, sur cette rivière magnifique. J'ai profité de chaque lumière, des couchers de soleil, des matins brumeux, du ciel, de l'eau, des couleurs du gris au vert en passant par le rose, du spectacle des oiseaux pêchant sur les rives, des mouvements des marées... Bref, j'ai apprécié de vivre au contact de cette belle nature jour après jour. Calme, paisible et toujours en mouvement, en changement. Prendre son petit déjeuner sur le pont et goûter dès le matin au bonheur de cet environnement exceptionnel, au plaisir d'être au grand air.

    La vie à bord est agréable avec mes deux "hommes". La cohabitation dans cet espace restreint ne pose aucun problème... pourvu que ça dure ! 

    Durant l'été nous avons fait quelques manoeuvres pour nous amarrer à la cale de Pors Meillou ou pour aller au port de Bénodet. Thierry a fait des progrès étonnants et il parvient maintenant à nous amarrer sans trop de stress et sans difficultés.

    Le départ tant attendu est maintenant imminent. Je laisse partir Thierry avec le bateau, aidé par deux équipiers confirmés. J'angoisse un peu... cette traversée du Golf de Gascogne peut s'avérer difficile. Mais j'ai confiance dans notre bateau et son capitaine. Moins confiance en moi, malheureusement... le doute m'assaille toujours. J'espère que la suite me rassurera sur ma capacité à mener cette vie... Je ne doute pas de mon envie. Le vrai voyage commencera pour moi mi novembre au Portugal.

  • Mes impressions lors des premiers essais du bateau

    Cela fait quelques jours que nous sommes en route. Nous avons quitté Port-la-Forêt le jeudi 23 mai pour une dizaine de jours de nav en Bretagne. Notre objectif est de prendre en main tout doucement le bateau. Pas d’excès de zèle : on ne quitte le port que si la météo nous promet un petit vent assurant notre sécurité. Les manœuvres de port sont très stressantes. Après notre accident et avec la barre qui demande plusieurs tours avant de faire virer la bateau, nos approches des pontons sont un moment de grande angoisse : peur de faire des « strikes » avec les bateaux d’à côté ! C’est Thierry qui tente d’apprivoiser le bateau en manœuvre… pour ma part, ça attendra !! A notre arrivée à La Turballe, Thierry a sagement demandé l’assistance du port. La manœuvre s’est  bien passée. Thierry commence à « gérer » et la confiance vient peu à peu.

    Les navigations commencent à être du plaisir. Nous savons suffisamment utiliser les instruments du bord pour tracer notre route. Nous parvenons à hisser et descendre les voiles sans trop de difficultés. Nous avons testé le bateau sur les différentes allures et nous sommes contents de sa tenue et de ses performances. Au vent arrière il ne roule pas trop et au près il est très stable. Nous avons atteint 5 nœuds avec à peine 11 nœuds de vent et sans avoir affiné le réglage des voiles : pour son poids, ça me semble très honorable. En navigation c’est donc le sentiment d’efficacité tranquille qui domine. Loin des cailloux, j’ai enfin pu prendre un réel plaisir, sans stress ! Ca se gâte un peu à l’approche du port… mais ce n’est plus aussi angoissant que lors des premières manœuvres. Youenn est un équipier épatant pour les manœuvres de voiles et de port. Je pense qu’il sera rapidement un excellent marin.

    Il va me falloir apprivoiser tous ces instruments, du traceur au logiciel de nav en passant par le radar et la VHF. Moi qui déteste les « trucs à boutons » je suis servie ! Mes méninges ne risquent pas de rouiller de sitôt avec tout ce que j’ai à apprendre! Il m’arrive de douter de moi, de ma capacité à acquérir tout ce savoir-faire du parfait marin… et puis Thierry me rassure… mais c’est tout de même un sacré challenge et j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Que ferais-je si je me retrouvais seule valide à bord ; il y a tant de choses que je suis incapable de faire ?

    Cet été je pense passer mon permis bateau et le fameux CRR obligatoire pour naviguer dans les eaux internationales : ça m’aidera à prendre un peu confiance en moi, j’espère.

    Aujourd’hui nous flemmardons au port de La Turballe. Un gros coup de vent nous a sorti du lit sous la grande flotte pour ré-amarrer le bateau. Maintenant le soleil brille et le vent souffle fort, les drisses claquent, le bateau gite dans le port à chaque claque de vent. Repos bien mérité après ces semaines de stress !

    J’ai toujours autant confiance dans la capacité de Thierry à nous emmener en sécurité et c’est pour le moment le plus important.

  • Rêve, aventure... et réalité !

    Avoir « mon » bateau, trouver le « capitaine » avec qui partir autour du monde : tel est le rêve qui a germé dans ma tête durant ces années où je naviguais sur les « BDA » (Bateaux Des Autres).  Thierry, lui, tenait à construire son bateau pour le connaître par cœur et savoir le réparer n’importe où.  J’ai trouvé Thierry et « notre » bateau Lambarena : un bon bateau de voyage mais qui nécessite une remise en état complète avant le départ. J’aurais préféré acheter un bateau « prêt à partir », mais nous n’avons pas le budget nécessaire et l’expérience nous prouve que les bateaux d’occasion demandent tous des travaux.

    Je décide de faire confiance à Thierry et sa capacité de rénover le bateau bien que ce soit un challenge pour lui qui a seulement retapé son petit bateau de 7,60 m et quelques maisons.

    Pendant 3 ans Thierry s’est employé à démonter le bateau et a cherché sur internet et auprès de professionnels ce qu’il convenait de faire pour le remettre en état. Nous décidons ensemble de grands réaménagements pour nous installer une cabine confortable, gage de confort, et un grand espace table à cartes.

    Durant l’hiver 2013 le chantier a véritablement commencé. Thierry travaille sur le bateau… mais doit aussi gérer le quotidien et tous ses ennuis financiers suite à son divorce. L’été arrive et le club de kayaks l’occupe à plein temps. Durant les week-ends je décape le pont, le peint, vernis le mobilier…

    Optimiste, Thierry persiste à penser que le bateau sera prêt à partir à l’automne 2013. Je pose donc un long congé de 6 mois et nous rêvons de cet hiver à naviguer au soleil en direction du Cap Vert.

     Nous décidons alors de fêter ce grand projet avec famille et amis : fin septembre nous réunissons tout le monde pour un week-end de fête autour d’un cochon grillé. Le bateau n’est alors guère avancé, mais Thierry reste persuadé malgré tout que le départ se fera avant l’hiver. Je veux le croire. Le désir de partir est si fort qu’il occulte la réalité !

    Mi novembre, enfin en congés, je débarque à la maison et me mets au boulot : vernis, peintures et plaquage Comasel. Les mois passent, nous travaillons ensemble tous les jours… mais le chantier n’en finit jamais. Plus nous avançons, plus il semble rester de travail ! Thierry pense que nous mettrons le bateau à l’eau en janvier, puis en février, en mars, en avril… à chaque report le périple se raccourcit : on abandonne le Cap Vert pour les Canaries, puis les Canaries pour le Portugal…  aujourd’hui, il me reste l’espoir de pouvoir enfin faire naviguer le bateau en Bretagne avant de reprendre le boulot fin juin !...

    L’aventure n’était pas là où on l’attendait : c’est la construction du bateau qui se révèle être notre grande aventure de l’hiver 2013-2014 ! Moi qui me pensais inapte à participer à la reconstruction du bateau, je me découvre des capacités que j’ignorais… et surtout du goût pour ce travail ! Quelle fierté ensuite de pouvoir dire « nous avons construit ensemble notre bateau » ! Le bonheur est là, dans ces tâches manuelles menées ensemble au fil des mois. Nous mettons notre couple à l’épreuve du quotidien et des désillusions successives : travailler ensemble dans cet espace restreint après n’avoir cohabité que durant les week-ends est déjà un bon test pour notre future vie d’aventuriers des mers. Tout « baigne » : nous aborderons l’étape navigation sans inquiétude sur ce chapitre. Je suis fière de moi et très fière de Thierry qui a su mener ce chantier à bien, quand bien même il n’a pas su – voulu – voir que le travail était plus important qu’il ne l’imaginait ! Zéro pointé pour la planification !!! Nous avons tenu bon et avons prouvé notre ténacité. Nous partirons avec un bateau solide et bien conçu, que Thierry saura réparer et qui pourra nous mener aussi loin que nos envies et nos rêves nous pousseront ! Le plus important est d’avoir CONSTRUIT ensemble un bateau et un équipage solides. Qu’importe finalement ce retard : qu’est-ce qu’une année au regard de ce projet de vie ? 

    C'est bien connu : qu'importe le but, c'est le chemin qui compte.