Navigation La Blanquilla - Los Roques
30 avril : départ de la Blanquilla
Réveil à 6h ce 30 avril pour un départ sans tarder. Nous avons 130 milles à faire et devons arriver de jour. La manoeuvre pour lever l'ancre sans dériver sur les coraux s'effectue sans problème. A 6h30 Lambarena met le cap plein ouest. L'ancre à peine levée, trois dauphins viennent jouer près du bateau. C'est très rare aux Antilles de voir des dauphins, alors si près du bord c'est inespéré ! Nous apercevons un bateau de pêcheurs : leur accueil restera un très bon moment de notre séjour à Blanquilla.
Vent d'est 10-15 kn et mer belle. Thierry tangone le génois sur tribord. L'annexe sur le pont ne bouge pas d'un pouce. Je décide d'aller dormir un peu... mais Thierry profite de mon absence pour hisser la grand voile d'avant sur bâbord. Il se bat avec ses voiles un très long moment sans parvenir à obtenir une allure stable. La GV empane sans cesse et fait perdre le cap qu'il faut ensuite un moment à rétablir. Bien que la mer soit belle, de gros trains de houle viennent faire tanguer le bateau d'un bord sur l'autre et tout claque dans les placards... celui des toilettes arrière s'ouvre même tout seul... Comment voulez-vous dormir avec tout ce vacarme et remuée comme un prunier !? Finalement Thierry abandonne et affalle la GV. Ouf ! Un peu de relative tranquillité. Reste le roulis désagréable...
Pendant ces manoeuvres j'entends la pompe de cale qui tourne trop longuement à mon goût... une fois la GV affalée, Thierry va jeter un oeil dans la cale moteur. La courroie de la pompe est sortie de son axe et elle tourne à vide. C'est bien vite réparé. Thierry ressort trempé de sueur et tout noir : un bon seau d'eau pour se doucher et il peut enfin se poser. Pas trop longtemps. Le soleil commence à être haut et je cherche désespérément un coin d'ombre. Thierry installe la 2e partie de la capote pour couvrir le cockpit. La matinée est presque écoulée et je retrouve un espace de vie agréable dans le cockpit. Thierry finit par localiser ce qui cogne si fort dans le carré : la sangle qui maintient les batteries est deserrée de sorte qu'elles battent contre la cloison. Ouf, un peu de relatif silence.
Après ces jours de grisaille le ciel est sans nuage aujourd'hui. Le baromètre est remonté à 1010 hpa. On avance tranquillou aux alentours de 4 noeuds. Vers midi le vent forcit légèrement.
Déjeuner de notre salade habituelle avec du poisson à la sauce cocktail.
Thierry va faire sa sieste et je reste à la veille. Mes angoisses d'hier et ce matin se sont estompées et je peux profiter enfin de cette belle navigation.
Je tente une sieste dans la cabine AR mais c'est très inconfortable avec ce roulis. A force de chercher la bonne position je finis par me mettre presque à plat ventre en travers du lit avec une jambe tendue à l'équerre pour faire un 3e point d'équilibre. Je parviens à dormir mais chaque train de grosses vagues me réveille... la nuit va être fatiguante...
Thierry installe la trinquette sur bâbord ( le genois tangoné est sur tribord) et l'attache au balcon. La solution semble efficace. En fin d'après-midi le vent tombe légèrement et la mer se calme un peu : notre vitesse progresse à 5 noeuds et on espère rattraper notre retard : l'objectif est toujours d'arriver de jour car nous n'avons guère envie de passer une nouvelle nuit en mer en attendant le lever du soleil !
Point à 18h30 : 47 milles parcourus en 12h soit une moyenne de 3,9 noeuds seulement. Il reste 81 milles...
La nuit tombe, nuit sans lune mais le ciel est étoilé. Je fais chauffer une boîte de tartiflette car ça remue encore beaucoup et je n'ai plus le pied assez marin pour cuisiner. J'appréhende mon quart par cette nuit sans lune.
Les feux de mât ne s'allument plus. Thierry ouvre le tableau électrique pour réparer et en triturant les fils il touche au contacteur du pilote qui s'éteint. Vite prendre la barre et assayer de garder le cap le temps que Thierry répare, ce qui ne lui prend que quelques minutes. Du coup il a enfin trouvé la panne du pilote !
Vers 21 heures Thierry descend se coucher et je me retrouve seule responsable de la marche du bateau. La houle est importante mais avec la trinquette sur bâbord et le génois tangoné sur tribord le bateau tient bien le cap. Je prends confiance et apprécie enfin d'être là dans le noir, les vagues, le vent. Un peu de plancton phosphorescent égaye l'écume d'étrave. Le bateau file à vive allure, 6 noeuds de moyenne, avec des pointes à plus de 7,5 noeuds ! Le vent forcit avec des rafales à plus de 25 noeuds, mais c'est stable. Je m'interroge sur la possibilité de réduire la voilure quand, vers 23 heures, un grand crac retentit et le bateau cesse de filer à toute allure. Thierry sort immédiatement, va à l'avant et constate que le tangon a cassé net en deux. Il enroule le génois en espérant qu'il n'est pas abîmé. Le bateau se met tout seul à la cape et dérive sous le vent à deux noeuds, de sorte qu'il reste sur la trace programmée. Mais sans tangon, avec ce vent et cette grosse houle, on ne pourra jamais stabiliser le bateau en vent arrière. Notre route passe d'ici 15 milles à seulement quelques milles au nord des rochers de La Orchilla (petite île occupée par des militaires et dont l'accès est déconseillé, voire interdit). Je propose à Thierry de mettre le cap vers le nord-ouest au grand largue jusqu'au lever du jour. Thierry déroule un peu de génois sur bâbord - il ne semble pas déchiré - et affalle la trinquette. Avec 20 à 30 noeuds de vent le bateau avance bien sur ce cap malgré la houle. Je laisse Thierry de veille et vais me coucher dans le carré pour être bien calée.
1er mai : arrivée aux Roques
La nuit est très agitée et les placards ont la fâcheuse tendance de s'ouvrir tout seuls. Celui des toilettes AR nous fait deux fois le coup, déversant tout son contenu au sol. Heureusement pas de casse. Ensuite c'est une des portes des placards du carré qui libère ses réserves alimentaires au sol. Par chance, la boîte d'oeufs est restée sagement sur l'étagère ! Nous parons au plus pressé et ramassons tout ce qui tombe dans des sacs de courses... je rangerai au calme. J'ai entassé la vaisselle dans l'évier et nos deux assiettes volent dans le carré : de la sauce tartiflette un peu partout et une assiette cassée.
Je me coince entre deux coussins mais le sommeil est interrompu à chaque fois que de plus grosses vagues viennent cogner la coque, donc très souvent ! Thierry est allongé dans le cockpit et somnole. Il a enfilé un caleçon long, un pantalon, un maillot à manches, son sweet et sa veste de quart. Il a même mis des baskettes. Ça fait des lustres que je ne l'ai pas vu harnaché ainsi en navigation !
Au petit jour je monte prendre le relai. Nous changeons de bord pour reprendre un cap plus au sud au grand largue. Je vois enfin l'état de la mer : de grosses vagues croisées jusqu'aux panneaux solaires (4 mètres) qui expliquent pourquoi le bateau est tellement secoué ! L'eau passe jusqu'au bord du cockpit à la gite. Je me sens incapable d'affronter ça et retourne au lit. Pauvre Thierry qui est pourtant bien fatigué... Petit à petit la mer se calme un peu et je peux enfin prendre la relève. Au fil des heures les vagues perdent leur force. Je reprends confiance et retrouve le plaisir de voir ces grosses vagues chahuter le bateau. Après tout, lors de notre transat, j'ai vécu des situations bien plus difficiles avec 6-7 mètres de vagues croisées. Mais voilà, ça fait quatre ans qu'on n'a plus fait que des petites navigations très très tranquilles et j'ai besoin de reprendre confiance.
A midi nous nous contentons de sandwiches. Malgré notre louvoyage nous n'avons pas perdu de temps et nous allons arriver à Los Roques vers 15 heures. Nous passons le 12e parallèle un peu au nord des Roques. Le vent est redescendu vers 15 noeuds et la mer s'est vraiment calmée une fois arrivés à de moindres profondeurs.Tant mieux, l'entrée dans l'archipel devrait être plus facile.
Nous entrons par le canal nord qui s'avère être très large. Nous cherchons un mouillage et optons pour l'île de Gran Roque qui abrite un village et un aérodrome. En chemin, alors que la carte indique 5 mètres de fond, nous nous ensablons. Bon, ne pas se fier à notre carte et rester si possible sur des zones sableuses. Devant le village nous évitons de nous approcher trop près du bord. Nous mouillons par 3-4 mètres de fond. Ouf ! Nous sommes le 1er mai et nous voilà arrivés ! La fatigue étant là nous sommes un peu déçus par la vue qui s'offre à nous... après une bonne nuit de sommeil nous verrons certainement cette île d'un autre oeil. Pas de bateau au mouillage hormis un voilier venezuelien et un bateau de pêche.
Je fais la vaisselle mais ne trouve pas l'énergie pour ranger le bateau. Plus de jus ! Je fais des pâtes et file me coucher : il est 17 heures et une grande nuit de bon sommeil m'attend.
Il faut positiver : je suis fatiguée mais je n'ai plus mal partout comme lors de notre précédente navigation, mon corps commence sa réadaptation ! J'ai affronté une navigation difficile et j'ai survécu (lol) !!!
C'est où ?
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Date de dernière mise à jour : 09/06/2022
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